Perdre. Dans ta bouche, c'est l'amer, dans tes yeux les étincelles s'éteignent. Tu as perdu. Peut-être tout perdu. Tu ne comprends pas et tu restes-là hagard devant ton ordinateur, peut-être que ta main caresse le bois d'une table de jeu. Tu es allé au bout, jusqu'à la fin avec en tête l'hallali du joueur, son requiem entêtant, enivrant, le « je vais me refaire ». Pourtant, tu l'avais ton porte-bonheur, tu étais en forme, tu étais préparé, tu avais ta stratégie, tu étais la pointe de l'épée, le dard de l'abeille... Et tu finis là, pauvre toi, avec des regrets pleins les poches, des remords comme des cailloux dans tes chaussures. T'es allé trop loin, tu as vu le grand tapis bleu du blackjack alors tu as plongé et c'était sans doute beau en bas et on t'a jamais revu. Putain, tu voulais te le faire ce casino, braquer la banque, écraser le croupier et payer ta tournée.. Tu la voyais écrite cette histoire du gagnant fier passé par la cave pour tutoyer les étoiles. Tu te retrouves même pas " fier ", et encore moins "gagnant"... T'es juste un loser. C'est douloureux, ça fait mal. Ton petit ego est souffrant et ton compte en banque est mourant ? Tu veux du réconfort, un petit câlin, qu'on te dise que c'est pas grave, que ça arrive, que tu te referas ? Faut pas compter là-dessus.. Tu veux faire partie du cercle des joueurs, de cette noblesse de l'ombre qui se reconnaît en un clin d'œil ? Alors, relève la tête et lis-ça.
Le casino en ligne ou en réel, les cercles, les jeux même sans argent te définissent bien plus que tu ne le crois. Il y a les gagne-petit qui gagnent petit et perdent petit. Ce sont des joueurs occasionels qui jouent sans avoir la foi. Ils passent le temps et souvent ils regardent les autres jouer. Ils voient le précipice, ils conçoivent la chute, ils en ont le parfum et ils nous envient. Chez eux, l'instinct de survie est prédominant. Ils sont les vautours et attendent, la chute. Tu le sais bien.. Quand tout le monde se retrouve autour d'une table pour voir le joueur qui massacre la banque, ils viennent voir du sang et des larmes... Et quand tu vas jouer à quitte ou double les gains de ta nuit sur un noir ou un rouge, ils n'attendent que ta chute
. Tu n'es que le funambule sur ce fil et c'est tellement humain d'attendre ta chute ? Tu es dans la plus grande partie des joueurs. Ils jouent pour le plaisir. Ils ont l'intelligence naturelle de ceux qui savent par instinct où sont les lignes à ne pas franchir. Ils ne sont pas de ceux qui perdent tout, mais par contre, ils peuvent être de ceux qui gagnent gros. Ce sont les gens du milieu, loin des bords, pour qui la vie est une autoroute. Ils jouent comme ça. Ils peuvent jouer gros, s'ils peuvent se permettre de perdre. Ils ne se feront jamais embarquer sur une main au poker, jamais menotter à une machine à sous.. Ils sont du côté des jamais plutôt que des toujours. C'est la clientèle idéale des casinos. Ils font le nombre sans faire de vague.
Tu as le joueur qui rationalise l'irrationnel. Il aime le jeu. Il est comme un cascadeur ou un ingénieur de la NASA qui va envoyer des astronautes dans l'éther.. Ils adorent les sensations, le vide les attire, la chute est un possible alors ils s'y préparent. Ils vont apprendre le poker, le blackjack, les lois mathématiques, les statistiques, les séries. Le jeu va les rendre meilleur. Pourtant, ils vont tout rationaliser sauf évidemment le fait de « jouer ». Ils vont donc finir par jouer sans vraiment comprendre le plus important : le lien qu'ils entretiennent avec cette petite bille qui tourne, avec ces cartes et la douceur d'un tapis. Ces joueurs-là oublient que tous les calculs du monde, que toutes les théories ne sont finalement que des grigris quand tu danses avec Dame Chance. Ils ne vont jamais tilter, mais pire, ils vont aller au bout de leurs théories. C'est-à-dire que c'est sciemment qu'ils vont se mettre la corde au cou.
Tu as le joueur comme toi. Le profil atypique qui aime le jeu pour la sensation. Il dit qu'il joue pour gagner et il dira qu'il a gagné des dizaines de milliers d'euros. C'est un menteur invétéré. Il ment aux autres et il se ment à lui-même. La vérité qu'il se tait, c'est qu'il joue pour perdre. Ce qu'il le meut, c'est le plaisir de la chute, c'est l'abandon, c'est la sensation de ne plus avoir de fil.. Tu as vu le Grand Bleu ? Et bien, c'est la même chose.. Le joueur n'a pas envie de remonter. Le souci de la chute, c'est que l'atterrissage est violent. Tu n'es pas comme cela ? Alors, pourquoi tu rejoues systématiquement tes gains ? Si tu aimes gagner, pourquoi risquer de perdre tes gains ? On peut aimer cette école, entre le romantisme allemand et les maudits français. Le spleen du joueur n'est pas loin de celui du poète, de Werther à Meaulnes, en passant par Baudelaire, il y a sans doute une place pour un joueur de casino. Celui qui finira toujours par perdre car il ne sait pas gagner.
Il est plus logique de perdre que de gagner. Pourquoi tilter quand tu perds alors que tu devrais le faire en gagnant ! Il faut être logique. Si tu peux gagner dix millions en mettant une pièce dans une machine à sous, c'est que tu as très peu de chance de gagner. Alors, pourquoi les gens vont littéralement péter un plomb quand ils perdent ? Que ce soit le joueur de poker, le high roller des machines à sous ou le joueur des jeux de table, le moment clé est l'instant où il bascule dans le tilt. Au moment où tu pars bille en tête avec « je vais me refaire ». Il faut arrêter. On ne se refait jamais et ce qui est perdu est à tout jamais perdu. Tu vois c'est comme les gens qui viennent tout fier en disant « j'ai économisé 50 euros sur ce pull, je l'ai payé 40 euros en promo». Le mec n'a rien économisé, il a dépensé 40 euros. Si tu perds 100 , que tu regagnes 200, tu auras toujours perdu 100. Il faut aussi faire comme les surfeurs : lire la vague, trouver sa fréquence. Un mauvais jour rentre chez toi, ne t'acharne pas. Le jeu n'est pas ton doudou, ce n'est pas ton ami. Si tu n'as pas le moral, ce n'est pas à lui qu'il faut te confier. Ne bois pas, ne te drogue pas, ne drague pas à la table. Respecte le jeu et apprends de tes défaites.
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