Une étude australienne récente, menée par l’Experimental Gambling Research Laboratory (CEGAL) et la Central Queen University, pour la GRA –(Gambling Research Australia) avec un siècle et demi d’avance, aurait peut-être eu un effet salvateur sur un joueur invétéré comme Fiodor Dostoïevski. Mais elle aurait alors privé la littérature d’une œuvre de tout premier plan : son roman éponyme (« le joueur ») opérant une véritable analyse à cœur ouvert de son addiction, qui lui permit, ainsi que l’amour d’Anna Grigorievna Snitkina devenue Dostoïevskaïa, d’en guérir.
Ce cycle d'études propose, à certains moments, des outils qui auraient pu s’inspirer du romancier, puisqu’il s’agit souvent d’observer une approche réfléchie des jeux d'argent, de prendre conscience de ses limites et de les contrôler peu à peu, tout en cessant de ne concevoir cette passion qu’au travers du prisme de la stigmatisation sociale et de la honte. S’en faire une représentation plus positive permet aussi de se fixer des garde-fous, dans le montant des dépenses concédées comme du temps qu’on y consacre. Et éviter l'addiction.
Une équipe chevronnée de spécialistes pour encadrer le risque
Le groupe-pilote du GRA est constitué de thérapeutes, de psychologues, de régulateurs du secteur, tous spécialisés dans les jeux d’argent et leurs effets sur le comportement souvent irraisonné de certains joueurs. L’objectif central de cette première étude était de confirmer que certains messages délivrés aux parieurs avant, durant et pendant qu’ils s’adonnent à leur passion, modifient positivement leur comportement.
Elle s’appuie sur l’observation courante que les parieurs emploient le plus souvent leurs smartphones pour jouer et que cet outil peut être efficace pour promouvoir des messages et conseils préventifs.
Quelle devrait être la bonne mesure du risque?
L’équipe a testé une gamme de 27 messages vantant les qualités d’un jeu vécu en toute sécurité. L’objectif proposé aux joueurs est de conserver le contrôle de l’argent dépensé. Pour les professionnels de l'étude, il fallait retenir les messages les plus utiles et les plus faciles à comprendre pour l’ensemble des participants au test. Les thèmes proposés portaient :
- Sur la façon d’enseigner des pratiques de jeu plus sûres
- sur la correction des fausses idées et faux témoignages sur le jeu
- La stimulation des idées capables de conduire à une prise de décision plus consciente pendant le jeu
- Les messages concernant les normes du jeu à respecter
- Les messages sur les aspects émotionnels traversés par le parieur
L’essai comportemental a duré 5 semaines, distribuant des messages aléatoires auprès de 2000 consommateurs réguliers de sports et de courses. Il a, ensuite, s’agi, pour les chercheurs de sélectionner les critères efficaces en mesurant l’impact de chacun des signaux envoyés sur la hauteur des paris réalisés, le temps passé.
Quelques exemples de messages qui marquent l’esprit des parieurs
Parmi les formules qui ont eu un effet certain sur les sondés, on trouve, en particulier : « parier moins vous permet de dépenser plus d’argent pour les personnes importantes qui comptent vraiment dans votre vie ! ». Signalons aussi cet appel au self-contrôle : « Ne pariez pas ce que vous ne pouvez pas vous permettre (de dépenser) ». Ou encore : « La plupart des gens qui parient ne misent jamais plus de 10$ par semaine ! ».
Quels signes extérieurs indiquent la limite raisonnable de la mise?
La seconde étude entreprise consistait à vérifier si ces mêmes messages pouvaient contribuer à ce que les passionnés acceptent de se fixer des limites de dépôt, lors des courses, compétitions auxquels ils participent par leur mise d’argent. C’est ce que le groupe pilote de recherche a pu effectivement constater. Sur la durée totale de l’observation, tous les participants à l’expérience ont réduit leur temps d’exposition au risque et les sommes qu’ils lui consacrent.
Peut-on neutraliser les effets pervers du jeu sur l’esprit des joueurs "à risques" ?
Le professeur Matthew Rockloff, directeur du Laboratoire, constate que la stigmatisation sociale et la honte qu’elle provoque font que les pratiquants qui connaissent de réels problèmes ne demandent pas d’aide extérieure. Des campagnes qui présent le joueur invétéré au fond du gouffre, seul face à sa famille en colère, ne font que renforcer sa culpabilité et désarment sa capacité à réfléchir sur lui-même et ses pratiques.
Ce type de signalement ne peuvent donc avoir que l’effet inverse de celui recherché, d’où la meilleure cohérence des études actuellement menées, comme celle ici décrite. Il s’agit, au contraire d’éclaircir la mesure cohérente des messages, dans un Cadre National, soutenu par le Commonwealth, qui offre aux consommateurs de paris interactifs des protections solides et des modèles de comportement sains.
Délimiter les pratiques par un bornage systématique des espaces d'incitation au jeu
Les chercheurs du GRA en déduisent qu’il serait bon d’afficher ce type de message partout où l’utilisateur est susceptible de les voir, au cours d’une session, sur Internet, par des messages radio ou à la télévision, lors de tirages par exemple ou des publicités incitant à parier, des promotions diffusées avant des compétitions.
Est-il envisageable d’encadrer et de prévenir tout mauvais usage des jeux d’argent pour en faire un espace totalement indemne de tout abus de consommation et de toute addiction ? Cela reste un autre pari encore risqué… Mais de solides balustrades entourent dorénavant ce "gouffre".